Quelques topographies de la création
Dans cet essai, l’auteure parcourt les oeuvres des six artistes du projet Transfert en cours, mené par le Centre SAGAMIE lors d’une résidence collective et d’expositions. Elle s’engage dans des pistes de réflexion sur l’acte de création dans l’infinitude des pratiques.
[...] Dans ces espaces en partage, nous habitons le monde avec ses contingences précaires, instables et passagères. Il y a déjà quelques années que j’ai commencé à rassembler les fragments et les apparitions volatiles de l’atelier. Je construis les archives d’un travail encore à venir. Être perdue. Je sonde encore jusqu’à l’arrière des objets. Et m’étends très loin aussitôt. Rapidement, dans ce processus qui tient autant de l’échafaudage que de l’arpentage, je me suis intéressée non pas à la singularité des pratiques mais plutôt à leur diversité et à l’attachement des créateurs à leurs environnements.
Alors que notre monde actuel concourt à nous convaincre que tout est finitudes plutôt que potentialités ouvertes et plurielles, je cherche à cerner le rôle de la création au tournant des temps et des récits communs dominants. D’où les nombreux dialogues évoqués avec les artistes et leurs oeuvres actuelles, les différents genres pratiqués et la vastitude des références convoquées pour construire ce parcours sensible.
Je croise les écritures et les temps – écrits théoriques, poétiques, philosophiques, fragments de journaux de création et souvenirs que la sensation a imprimés en nous –, interrogeant nos espaces de création et nos habitudes de regards sur le réel. J’espère ouvrir un autre niveau d’être dans l’écriture sur la création, dans lequel l’individualité de l’auteure n’est pas effacée mais amplifiée par les collectivités, les artistes et les oeuvres qu’elle côtoie, découvre et arpente… Parler au « Je » et soudainement vouloir parler au « Nous ».