Ce livre photographique est construit autour de l’acte de choisir. Choisir, verbe souvent associé à la décision assumée qui fait s’évanouir les autres possibilités. Pourtant le choix ne se réduit pas toujours aux carrefours tranchés : nous n’avons pas choisi les transformations imperceptibles de notre corps ou l’horizon à venir de la mort. Cette œuvre au noir du choisir a quelque chose de mystérieux, de fascinant ou d’écrasant. Au cœur du quotidien, le besoin de stratégies pour statuer sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire, compense le vertige face à tout ce que nous ne maitrisons pas. Laisser sur le bord de l’assiette les pelures des fruits, regarder les mèches de cheveux glisser au fond du lavabo, égrainer des souvenirs de l’enfance comme des cailloux blancs sur le chemin : autant de tentatives pour traverser le temps qui passe et ses pertes inéluctables.
Dans le travail de création de l’artiste, les objets sont vecteurs de mémoire et de sensations. Elle leur assigne un rôle soit de sujets, voire de personnages, soit d’éléments symboliques pour composer et suggérer des histoires photographiques. Telles des natures mortes du XVII siècle, ils y incarnent des protagonistes ou ils y suggèrent des actions et des événements tout juste survenus, qui, tous ensemble, constituent les composantes des fictions qu’elle crée. Voilà qui l’amène, dans un second temps, à travailler sur des narrations, des enchaînements, un déroulement.